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A quoi tu penses ?
Expositions
Dernière date: Samedi 21 Septembre 2024 15:00
Du 09/09/2024 au 21/09/2024

Lieu: Galerie des Carmes  |  Ville: Toulouse, France

 

Source évènement : Contributeur Toulouse Bouge !

Exposition : " À quoi tu penses ? " d'Emma Park et Claire Cervantes à la Galerie des Carmes 9 au 21 septembre, deux jeunes artistes contemporaines. 

Les impensés de notre jeunesse
A propos de l’exposition "A quoi tu penses ?"
de Emma PARK (Séoul) et Claire CERVANTES (Toulouse)
Galerie des Carmes -Toulouse (9 – 21 Septembre 2024)
 
A quoi tu penses ?
Moi ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Peut-être que je n’arrive toujours pas à penser ce que je cherche, ce que je vise dans cette mise en jeu de lignes et de formes. Peut-être de touches en touches, le saurai-je un jour.. qui sait ? ...ou peut-être jamais. Car le temps n’a pas encore totalement laissé de prises et de marques, juste de simples traces : cicatrices de notre adolescence, de nos premières et grandes défaites d’amour et tous les petits et grands ratés de « l’experiment » comme l’anglicisait Duras. A qui et à quoi je pense en surplomb de nos 20 ans? Drôle de question. Une chose est sûre : dans mon labyrinthe intérieur, j’avance à tâtons. Et pour contrer ma solitude, je flâne, je rêvasse, je m’ennuie, je m’épuise, je me déprime, je me mélancolise. Et trop souvent je voudrai tout laisser tomber. Que le temps aille plus vite et glisse sur moi comme un voile en soie jusqu’à me désaffecter. Mais est-ce que j’aurai le temps d’accomplir tout ce qui me vient, tout ce qui me hurle, tout ce petit bazar du quotidien qui m’anime et mon refuge intérieur qui, parfois, de petits rêves en simples fantaisies, de projets grandioses ou de perspectives créatrices voire sublimes me fait tenir debout ? Car je n’ai plus peur de rien, ni de l’hérisson menaçant des missiles qui bordent la plaine-frontière, la montagne-barbelée, ce no man’s land cruel de la ligne de démarcation, cette tragique DMZ.. Ni des surprises et mystères de tout ce qui peut faire rencontre dans ce Séoul qui bruisse, qui fume, qui sonorise, tel le nouveau London de notre modernité, avec ses artères, ses millions de globules mécaniques, sa respiration parfois étouffante, ce bruit de fond qui résonne nuit et jour par delà le grand fleuve. C’est dans cet archipel que je tente de me faire oublieuse et m’essayer par esquisses subtiles à retenir le temps, à saisir le frémissement, à souligner et forger du sentiment, à déjouer l’empressement par une forme de délicatesse. Oui. C’est bien cela que je voudrai par delà la peinture, par delà mes créations : la possibilité d’une écologie subtile, inattendue, une âme de vie à opposer à notre urbanité dévoratrice et polluée. Une passe à jamais inaboutie. Peut-être plus modestement (en ces temps si troublés et si dangereux) une manière autre de témoigner du lien social, un appel au respect de toutes les singularités, le refus de céder aux entreprises de normalisation : celles de nos vies si bien rangées ou dé- genrées.
 
Et toi ? A quoi tu penses ? 
Moi, c’est tout simple : A un feu d’artifice. Un écrin étoilé. Une explosion qui me permettrait d’aller au-delà de la palette des couleurs, traverser la ligne, le mur du temps, me risquer dans cet univers à l’envers, ce trou noir infini dont on m’a dit qu’il redonne vie à tout. Le plus loin possible. Le plus vite possible. Comme une comète de peinture. Au risque du criard et du saturé. Comme un film multicolore en accéléré qui n’aurait pas de fin, pas de logique, plus aucune référence autre que celle de témoigner de ce qui dans ce monde autour de moi sourit ou crie, nous relie, me déconcerte, me ravit et parfois me ranime. Que ça gueule sous le pinceau, que ça dérange à défaut de choquer. Oui : Saisir la vie dans tous ces éclats. Façonner une sorte de piège-à-regard. Oui : un attrape-regard provocateur qui irait bien au-delà de tous ces visages, de toutes ces mains que je trace, qui les traverserait pour saisir l’au-delà des mots, l’au-delà des émotions et des amitiés. Et qui témoignerait de ce que je suis, de ce que nous sommes dans cet âge de l’entre-deux où l’on a dépassé nos vingt ans mais où l’on n’arrive toujours pas à percer le mystère du féminin et de l’exil des corps. Tenter de se faire à l’être, moi qui suis née dans l’entre-deux langues : celle des signes si longtemps interdite et qui vous oblige à mettre en mouvement toute une gestuelle symbolique pour arriver à se faire entendre. Et de cette langue nourricière des gens dits normaux qui a toujours été de domination, de violence, langue aussi des invalides qui -d’être fixés à l’ouïe - en ont oublié le regard. Oui : je voudrai jouer de l’équivoque, de l’ambiguïté pour m’exiler à moi-même. Faire signe comme promesse du vivant. Un pied de nez moqueur, une invitation espiègle à la résistance, une solution ludique, un coup de pied qui viendrait faire voler au loin toutes les certitudes fussent-elles artistiques ou académiques.
 
Toulouse - Septembre 2024.
Jean-Luc GASPARD
Psychanalyste
 

 

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